MHE et FCO ns8 et 3 : La triple menace
mis en ligne le 05 juin 2024
2023 aura vu l’émergence en Europe de 3 virus : MHE (Maladie Hémorragique Epizootique), FCO-3 (Fièvre Catarrhale Ovine) et FCO-ns8 (nouvelle souche). Ils sont tous transmis exclusivement par le même insecte vecteur, le très répandu culicoïde (petit moucheron piqueur). Ces émergences ayant eu lieu respectivement en Espagne, Aveyron et Pays-Bas, on ne peut que redouter leur arrivée en Bourgogne - Franche-Comté au second semestre 2024, possiblement conjointe.
Cette triple agression pourrait grandement fragiliser notre cheptel régional, et il convient de limiter les risques et d’être vigilant.
La MHE est une maladie virale qui a été détectée pour la première fois en France en septembre 2023 après avoir franchi les Pyrénées. Chez les bovins, cette maladie se traduit par de la fièvre, de l’anorexie, des boiteries, des lésions au niveau de la bouche et du mufle.
Description plus détaillée de la maladie et des symptômes : ICI
Depuis le 19 septembre 2023, on comptabilise presque 4 300 foyers déclarés de MHE (il y en a de nombreux non déclarés dans les zones fortement atteintes). La zone régulée (150 km autour des foyers) s’arrête aux portes de la Nièvre.
Carte du dernier zonage en date : ICI
Dans les départements les plus concernés, il est mis en évidence une forte morbidité (médiane de 13%), essentiellement sur les bovins adultes, avec parfois des soins très contraignants (drenching), avec toutefois une forte variabilité entre les élevages et une mortalité plus modérée (1 à 4 morts chez 20% des élevages touchés).
Cette maladie ne dispose pas de vaccin à l’heure actuelle. Avec la propagation de proche en proche des vecteurs portés par le vent, on peut s’attendre à une progression plus ou moins rapide du front de propagation de l’épizootie. En période d’activité vectorielle, le front avance d’environ 10 à 15 km par semaine.
La France constate une réémergence du BTV-8 la FCO sérotype 8 chez des bovins et des ovins depuis début août 2023 dans le sud du Massif Central. Initialement localisée à quelques communes, la maladie s’est propagée en tache d’huile en quelques semaines.
Description plus détaillée de la maladie et des symptômes : ICI
Dans les départements touchés, les taux de morbidité vont de 1 à 80 % chez les ovins adultes et de 1 à 30 % chez les bovins adultes. La mortalité va de 1 à 6 animaux morts chez les ovins adultes et 1 à 4 animaux morts chez les bovins adultes, avec de fortes variabilités entre les cas.
Le sérotype 8 circulant en France depuis 2017, il n’existe pas de cartographie des foyers ni de restriction de mouvement au sein du territoire continental. Cependant, c’est en réalité une nouvelle souche du sérotype 8 qui circule et on considère les troupeaux naïfs vis-à-vis de celle-ci. Il est à craindre que l’impact clinique soit non négligeable. Un foyer a été déclaré sur des ovins en Saône-et-Loire avant l’hiver.
Les épizooties de FCO précédentes se sont généralement exprimées plus fortement en fin d’été, probablement du fait d’une activité vectorielle plus intense à cette saison et d’une multiplication virale parvenue à son apogée. On s’attend à ce que ça soit également applicable pour la MHE.
Face à la résurgence de ce virus et compte-tenu de l’impact sanitaire observé, il y a lieu de réfléchir à la vaccination pour protéger son cheptel. Des vaccins sont disponibles pour ce sérotype et l’ANSES a réalisé des études relatives à leur efficacité vis-à-vis de cette nouvelle souche. L’agence a conclu favorablement. Cette vaccination peut être réalisée par l’éleveur dans le cadre de la protection de son troupeau. En revanche, pour la vente à destination d’un pays exigeant la vaccination contre la FCO, celle-ci doit avoir été réalisée par le vétérinaire sanitaire.
Le BTV-3 a diffusé aux Pays-Bas au cours de l’été et automne 2023 (plus de 4 400 foyers répertoriés) et a provoqué des dégâts sanitaires conséquents (mortalité, baisse de la production laitière).
Ce sérotype a déjà contaminé la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la Belgique, et on peut craindre une diffusion rapide sur le territoire continental (comme observée à l’émergence du BTV-8 en 2006-2007). Les derniers cas déclarés en Allemagne (données du 22/05/24) sont à proximité du Luxembourg et à 70 km à vol d’oiseau de la France.
La France n’ayant jamais connu ce sérotype, on peut craindre qu’il ait un impact clinique significatif dans une certaine proportion des élevages touchés. Et sa présence entrainera la mise en place d’une zone régulée (ZR) où les mouvements seront contraints.
Sur le plan clinique, le sérotype toucherait préférentiellement les moutons, avec un taux de mortalité qui pourrait atteindre 40% (estimé à 58% pour les béliers et 42% pour les brebis) (source : media professionnel Veeteelt le 05/10/2023). D’après l’expérience néerlandaise, la production laitière des bovins est aussi affectée (- 1kg/j/vache) lors du passage du virus.
La société pharmaceutique SYVA développe un vaccin pour protéger les troupeaux des Pays-Bas. Il n’est disponible que dans ce pays actuellement.
Il n’est pas impossible de voir arriver ces 3 maladies simultanément en 2024 sur notre territoire. Cette triple agression pourrait grandement fragiliser notre cheptel régional.
Les maladies virales vectorielles émergentes ont souvent des effets délétères lorsqu’elles arrivent dans des populations naïves alors qu’il est difficile de s’en protéger (parce que difficile de se protéger efficacement contre le vecteur).
Il est donc fortement recommandé de prendre des mesures de précautions, notamment en appliquant ces quatre points clefs :
Evitez les introductions de bovins originaires de communes/départements déjà touchés par la FCO-8 et/ou la MHE. Par ailleurs, la sortie d’animaux de la zone régulée (ZR) en MHE est réglementée (désinsectisation et prise de sang avant départ).
Sur ces 3 maladies, seul le sérotype 8 bénéficie d’un vaccin disponible en France. Vacciner et donc protéger son troupeau contre le BTV-8 permet de limiter le risque de fragilisation du troupeau où des infections successives par ces trois virus pourraient finir par démultiplier l’impact sanitaire sur le troupeau touché.
Cette vaccination est à discuter avec votre vétérinaire pour raisonner la meilleure période et les animaux à vacciner. Soulignons qu’il faut viser une protection globale du troupeau et non celle limitée à quelques individus, comme les mâles reproducteurs par exemple. Hors nécessité de certification pour la vente dans certains pays étrangers, la vaccination peut être réalisée par l’éleveur lui-même.
Les animaux en bonne santé seront plus à même de supporter l’impact clinique de l’une ou l’autre de ces maladies vectorielles. La bonne couverture en vitamines et oligo-éléments, la maîtrise du parasitisme sont des points à ne pas négliger.
Ces trois maladies sont vectorielles et reposent sur la transmission par des culicoïdes. Il convient donc de limiter au mieux les gîtes larvaires et le contact culicoïdes-troupeau.
La désinsectisation ne fait que diminuer les attaques des moucherons sans totalement les annihiler. Elle nécessite d’être renouvelée très fréquemment. Son utilisation massive n’étant pas neutre pour l’environnement, cela ne constitue pas un outil réel de prévention pérenne.
La désinsectisation des animaux déplacés et issus de zones atteintes diminue le risque de contamination des élevages d’accueil.
Lorsque la situation évoluera et que notre région sera plus directement concernée par l’une de ces trois maladies, nous vous en informerons afin de vous permettre de renforcer votre niveau de surveillance de vos animaux en pâture.
Le dispositif OMAR (surveillance de l’évolution des mortalité) a été utilisé par l’ANSES pour évaluer l’impact des virus émergents de la MHE et du BTV8 en termes de mortalité dans 2 départements touchés par la MHE, les Pyrénées-Atlantiques (64) et les Hautes-Pyrénées (65), et 2 départements touchés par le nouveau variant du BTV-8, l’Aveyron (12) et le Cantal (15).
Cette analyse permet de visualiser l’émergence des problèmes cliniques liés au passage de ces 2 virus et le graphique ci-dessous illustre bien l’émergence des surmortalités dans les départements touchés par ces 2 virus, en comparaison des départements non touchés, avec parfois un quasi doublement du nombre de carcasses de bovins adultes enlevées pour l’équarrissage.
Evolution de la proportion du nombre hebdomadaire de départements en alarme pour les bovins de plus de 24 mois pour la période août-septembre-octobre (de semaine 31 à 43) avec différentiation entre les départements touchés et non touchés par la FCO et/ou la MHE (avec inclusion au fur et à mesure des dates d’atteinte)
Surmortalité équarrissage 2023 /moyenne 3 années antérieures |
Août |
Septembre |
Octobre |
|||
[6–24[ m |
≥ 24 m |
[6–24[ m |
≥ 24 m |
[6–24[ m |
≥ 24 m |
|
Aveyron (12) |
+ 28 % |
0 |
+ 34 % |
+ 55 % |
+ 21 % |
+ 34 % |
Cantal (15) |
0 |
0 |
0 |
+ 29 % |
0 |
+ 59 % |
Pyrénées-Atlantiques (64) |
0 |
0 |
0 |
0 |
+ 39 % |
+ 98 % |
Hautes-Pyrénées (65) |
0 |
0 |
0 |
0 |
+ 91 % |
+ 99 % |
Surmortalité pour la période août-septembre-octobre (de semaine 31 à43) pour les départements touchés par le nouveau variant de la FCO - 8 (Aveyron, Cantal) et/ou la MHE (Pyrénées Atlantiques, Hautes-Pyrénées)
Il y a une concordance temporelle forte entre la diffusion de ces deux maladies dans les départements et les surmortalités observées.